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L’Eurovision 2023 est à nos portes. Et si la compétition n’en est plus à son coup d’essai, il demeure plutôt amusant de retrouver du metal dans l’offre artistique du concours. L’exception de cette année : le groupe allemand Lord of the Lost, vêtus de leurs plus belles tenues bigarrées, d’or et de rouge écarlate, pour scander un message positif au travers leur titre "Blood and Glitter". On a pu s’entretenir avec Nik, petit dernier de la formation, pour aborder cette curieuse expérience, où le quintet allemand reste très fairplay !
Cult of Metal : Même si ce n’est pas la première fois que l’on retrouve du metal à l’Eurovision, c’est toujours surprenant de voir notre genre favori représenté au sein d’une compétition internationale aussi ancienne que l’Eurovision. Comment est venue cette opportunité pour vous ? Comment êtes-vous devenu le choix de l’Allemagne pour cette édition 2023 ? Nik : On s’est inscrit pour le concours, tout simplement ! Nous avions déjà tenté l’aventure l’année dernière, mais nous n’avions pas été retenus. Mais cette année, le public allemand était derrière nous. Après avoir émergés victorieux lors des sélections nationales, nous sommes devenus le candidat de facto de l’Allemagne.
L’Eurovision se tient depuis tellement longtemps qu’on pourrait se demander si la compétition n’est pas un peu datée… Pensez-vous qu’avoir davantage de genres très différents peut faire évoluer la formule ? Qu’est-ce que cela pourrait amener à votre carrière ? Est-ce que cela pourrait vous ramener de nouveaux fans ? Cette année est vraiment très diversifiée, plus que lors des éditions précédentes. Il y a un tas d’artistes très talentueux ! Je me demande même si ce n’est pas le line-up le plus audacieux et varié de l’histoire du concours. C’est facilement la compétition musicale la plus regardée et médiatisée. On parle de près de 200 millions de spectateurs, ça ramène forcément du monde vers notre musique ! Même si un petit 0,1% de ces gens tombent amoureux de notre travail, ça fait déjà un sacré boost pour notre fanbase. On est évidemment preneurs !
Cela m’a toujours paru délicat d’évaluer et de comparer des chansons aux genres parfois très différents, sans même parler des langues employées pour les chanter ! Même si l’Eurovision propose souvent de la pop ou des genres assimilés, on voit de plus en plus de diversité comme vous l’évoquiez… Pensez-vous donc que le metal a pleinement sa place dans la compétition ? Pensez-vous que la tendance pourrait s’accentuer dans les années à venir ? Je ne sais pas. Il y a toujours eu quelques apparitions rock ou metal à l’Eurovision, et je crois que les choses ne se sont jamais trop mal passées pour ces groupes. Je ne peux pas prédire l’avenir, mais j’aimerai voir un retour du rock auprès de la pop ou du rap, qui sont très bien représentés dans le mainstream.
Si internet dit vrai, vous vous appeliez à l’origine "Lord" avant de changer votre nom pour "Lord of the Lost" pour éviter des ennuis avec le groupe… "Lordi" ! La boucle semble bouclée avec votre arrivée à l’Eurovision, presque deux décennies après le passage du groupe finlandais. Pensez-vous être capables de rivaliser avec leur performance ? Est-ce que les choses ont changé depuis lors ? Oui, notre chanteur a bien fondé le groupe en tant que "Lord", avant de l’étendre à "Lord of the Lost" dès que le groupe a commencé à être sérieux. Ce n’était pas tant pour éviter des soucis légaux que pour éviter d’être confondus avec Lordi ou The Lords par exemple. Je ne peux pas dire si on va gagner cette année… Ce serait super bien sûr ! Mais comme je le disais, les artistes de cette année sont tous très bons. De notre point de vue, peu importe qui l’emportera, il n’y aura pas de perdants. Bien sûr, c’est une compétition… Mais la musique n’a pas été créée avec l’idée de se mesurer aux autres. La musique est une affaire sociale, cela se fait avec et pour les autres. Même si on finit parmi les derniers, on se sera amusé et on aura vécu une nouvelle expérience incroyable. On en ressortira plus forts, et avec des tas de nouveaux fans !
Vous avez fait la première partie d’Iron Maiden pour leur tournée "Legacy Of The Beast", ce qui a sûrement dû vous aider aussi à vous faire une renommée dans toute l’Europe. Comment était le public ? Pensez-vous que cela a influencé votre participation à l’Eurovision ? Peut-être. On s’est éclaté avec Iron Maiden lors de ces dix-huit concerts que l’on a partagés avec eux. Et si les commentaires sur les réseaux disent vrai, on s’est fait des tas de nouveaux fans ! Peut-être que cela a changé la donne au moment d’être sélectionnés. Il parait que vous avez sorti l’album "Blood & Glitter" des mois avant sa date de sortie prévue… Et il a reçu un plutôt bon accueil malgré le manque de pré-promotion ! Est-ce que la sortie a été avancée à cause de la compétition ? Ou bien est-ce que le titre éponyme était déjà prévu pour l’Eurovision ? Non. C’était prévu que la sortie soit une surprise. De nos jours, chaque sortie est amplement préparée, des mois à l’avance. On sort souvent trois singles ou plus, avec parfois des clips, si bien que les fans connaissent déjà un quart de l’album avant même de l’avoir en main… Puisque notre esthétique se rapproche des 70s, et notre son des 80s, on voulait sortir un album dans des conditions similaires à ce qui pouvait se faire à l’époque. C’est-à-dire que tu savoures ton album au moment de sa sortie, et pas avant. On a choisi le réveillon de Noël pour l’annoncer, et on l’a sorti la semaine suivante. C’était notre plan, on l’a suivi, et les résultats sont encourageants. Mais non, Blood & Glitter n’a pas été conçu avec l’Eurovision en tête.
L’Eurovision met aussi beaucoup d’importance dans sa présentation… Un aspect que les groupes de metal connaissent bien ! On a l’habitude des flammes, des tenues très créatives, les jeux de lumières… Des aspects dont vous avez aussi certainement l’habitude. Avez-vous prévu quelque chose de spécial pour l’occasion ? Êtes-vous limités d’une quelconque façon (par l’endroit, l’audience, l’organisation…) ? Non, nous ne sommes pas très limités. Mais on a transformé le show depuis notre performance aux préliminaires en Allemagne. On a rajouté quelques effets et je pense que ça donne un spectacle super, mais il vous faudra être là pour le voir.
A propos de la chanson en elle-même, elle parait presque douce-amère. Avec un refrain épique, un message important, et tout de monde quelques gros riffs et des cris. Elle parait plutôt accessible, même pour quelqu’un qui n’est pas trop branché metal. Quelle est l’histoire derrière le titre ? Comment on fabrique une "chanson Eurovision" ? "Blood & Glitter" possède cette phrase très importante : “We are all from the same blood” [nous sommes tous fait du même sang, NDLR]. Car c’est le sang qui unit tous les êtres humains de la planète. Sans lui, personne ne pourrait vivre. C’est de le voir flotter dans nos veines qui nous rend bien vivants. Tandis que les paillettes, c’est tout simplement ce que nous incarnons. On a tous une "paillette" dans notre personnalité, un petit éclat qui nous définit. C’est notre aura, ce qui fait que les autres devraient nous remarquer et nous respecter. C’est à nous de la définir, pour que les gens perçoivent le meilleur en nous. Soyez qui vous êtes et qui voulez être, et respecter les autres pour cela aussi !
J’ai entendu parler de vous pour la première fois avec votre titre "Loreley", qui me paraissait plus sombre, plus occulte ! "Blood & Glitter" semble être nettement plus positive. Une chanson inspirante, comme en attestent des phrases comme "with broken wings we learn to fly" [« avec des ailes cassées, on apprend à voler », NDLR] ou "we do fall before we rise" [« nous chutons avant de s’élever », NDLR]. Que devons nous retenir de vos paroles ? Que l’on parvient à bout de n’importe quelle difficulté ? Ou bien que l’on peut prouver aux réticents que le metal ne parle pas simplement de mort et de guerres ? Loreley est une chanson de notre album "Thornstar", un album concept racontant l’histoire des G’hahyr, qui était la toute première haute culture de l’histoire. De façon générale, chaque texte et chaque parole peuvent être interprété de manière très différente selon les gens. Peu importe la chanson ou l’artiste. Je n’y avais pas spécialement pensé, mais puisque tu l’évoques, j’aime l’idée de montrer au monde que le metal peut parler de tellement plus de choses que les clichés qu’on lui attribue !
Contrairement à beaucoup de groupes de metal industriel allemands, fiers de chanter en allemand pour l’aspect martial ou dur qu’il rajoute à la musique… Vous semblez totalement à l’aise avec l’anglais, bien que je doive admettre ne pas avoir écouté toutes vos chansons ! Était-ce un choix conscient ? Ou était-ce naturel ? On estime qu’il est plus facile d’exprimer nos sentiments et nos pensées en anglais. On veut aussi toucher une audience plus internationale, ce qui est naturellement plus facile avec une langue plus internationale. De plus, si nous chantions en allemand, le parallèle avec Rammstein sera trop évident… Non pas qu’on ne soit pas victimes de la comparaison malgré tout, ce que je n’ai jamais compris !
Deux dernières questions pour clôturer l’interview : quel artiste aimeriez-vous voir représenter l’Allemagne l’année prochaine ? Et quels groupes de metal pourraient tenter l’expérience Eurovision selon vous ? Je ne sais pas, c’est une question difficile. Une bonne chanson est juste une bonne chanson ! Idem pour un artiste ou une performance. On va attendre et regarder avec attention la cuvée 2024 lorsqu’elle sera connue.
Merci beaucoup, et bonne chance pour le concours ! Merci !