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Ale

WATERTANK - Liminal Status


Genre : Post-Hardcore

Pays : France

Label : Atypeek Music

Date de sortie : 05.04.2023

 

Si vous traînez beaucoup sur internet, vous avez peut-être entendu parlé de ce que l’on appelle les "liminal spaces", des photos ou illustrations représentant des lieux parfois impossibles, parfois bien réels, mais toujours dégageant une atmosphère étrange, tantôt sinistre, tantôt apaisantes. Pour vous faire une idée, pensez "Backrooms". Et si mon imagination fertile imaginait plutôt du bruit blanc, ou des titres plus "ambiant" pour accompagner l’aura mystérieuse et hors du temps des liminal spaces, ce n’est finalement pas si incongru de voir un groupe de post-hardcore se réapproprier ce concept. Les genres "post" ayant souvent ce drôle de jeu entre passages méditatifs et apaisants… Et sons distants, parfois froids et lugubres. D’autant plus dans les registres du post-hardcore et post-metal que du post-rock et post-punk, naturellement…

Watertank se veut toutefois plus qu’un simple distillat de post-hardcore, et incorpore aussi d’importantes touches shoegaze dans la vibe qu’il veut transmettre, bardée d’effets bien sûr. Mais aussi un côté presque… grungy ? Alice In Chains en tout cas ! Jusque dans la voix de Thomas Boutet, douce, presque berçante, et en direct contraste avec la puissance des instruments, se mouvant d’un pas lent hyper lourd qui ne devient jamais trop abrasif. Même lorsque la batterie (et quelle batterie !) s’emballe, nous n’avons jamais la sensation d’un assaut des sens, et plutôt l’impression d’un vacarme étonnamment apaisant. Même sur des titres plus musclés comme "Cut Gum" (lui plus branché alt rock) ou "Dreams Logic" ! Mais il y a bien sûr d’autres morceaux plus solidement ancrés dans cette fragilité distante et cathartique, à commencer par "The Long Face", qui ne manque toutefois pas de peps grâce à quelques riffs lourds et crasseux, pour contrebalancer ce chant délicat emprunt d’émotions. "Liminal Status" dispose d’un solide leitmotiv, là aussi bien lourd et qui n’a pas de peine à nous plonger en plein rêve éveillé, avec là aussi un côté grunge bien plaisant, résolument 90s. C’est sans doute la période qui nous joue des tours, mais on croirait même entendre quelques éléments indus et trip-hop sur quelques touches discrètes !

Difficile d’élire un titre sortant réellement du lot, mais comme souvent dans les genres "post-machin", plus c’est long, plus c’est bon ! On a donc envie de plébisciter comme il se doit "Solely Mine", un véritable bonbon cristallin, reposant à souhait, tout en assénant une belle dose de mélancolie. Alors que le groupe aurait pu profiter de l’occasion pour balancer toute la purée, on assiste à un crescendo qui prend bien son temps, comme pour nous laisser respirer, nous laisser penser, nous laisser porter pleinement par la musique. Et à nouveau, lorsque le titre pète, on n’a pas l’impression de sortir de notre torpeur, mais plutôt de rencontrer un simple obstacle le long de notre voyage interne. Et si vous vous attendiez à une démonstration de force sur "Clean Shot", dernier titre de la galette et deuxième morceau le plus long… Et bien vous avez plus ou moins raison ! Nous n’avons pas le crescendo tout en volupté de "Solely Mine", mais on garde un titre hyper moody et des instruments minimalistes, en dehors du refrain en tout cas. Un autre titre à la fois puissant et émouvant, jouant avec les ambiances pour mieux nous surprendre, sans jamais nous sauter à la gorge pour autant. Au contraire, le titre et l’album se cloturent par la force, ou plutôt le calme des instruments uniquement, pour un decrescendo cette fois délicieusement tendre, passant petit à petit vers le silence.

En d’autres termes… c’est un parcours sans fautes pour Watertank. Beaucoup d’albums sont très bons, variés, pêchus ou atypiques. Mais pour une fois, on peut dire sans trop de prétention que ce "Liminal Status" est tout simplement… beau. Magnifique même. Et la présence de chant ne gâche rien de cette expérience qu’il convient d’apprécier en se laissant porter par la musique : les instruments sont marqués et toujours judicieux dans ce qu’ils déploient, et le chant rajoute cette couche supplémentaire de vulnérabilité qui vient porter l’opus au sommet.



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