Genre : Punk Rock
Pays : Allemagne
Label : Massacre Records
Date de sortie : 04.08.2023
Au cours de plusieurs années de critique musicale, et trois médias, j’ai pu entretenir une relation riche en très bonnes surprises avec la scène punk allemande. Entre ressorties de légendes, nouveaux projets d’anciens crêteux ou de jeunes coqs, il y a de la très bonne matière à creuser pour quiconque s’est contenté des deux berceaux américano-britanniques de la scène. Ici par contre, on est sur de l’élite, de l’authentique, du vrai kepon craspec de la belle époque, pour un huitième opus tonitruant, à la fois rétro à souhait et se permettant quelques petites excentricités. Mon point de vue sera forcément celui d’un p’tit mec non-germanophone ne connaissant que trop peu la carrière de ce groupe mythique, dont la figure de proue, Sir Hannes, est autant disquaire que couteau-suisse du rock, variant les plaisirs dans plusieurs groupes, mais dont le travail pour The Idiots est le plus prolifique et remarquable.
Le groupe est résolument punk au point de cocher presque un cahier des charges qu’ils ont eux-mêmes contribué à façonner. Beaucoup d’auto-dérision, une présence scénique qui ne date pas d’hier (mon propre père sortait à peine du berceau), même si déchirée d’une longue pause de plus de vingt ans… pour un retour qui aurait pu sentir bon l’opportunisme et le passéisme, mais qui débouche plutôt sur un quatuor de disques en une décennie, tous très bons et chacun formant une sorte de tutoriel foutraque sur l’essence même d’un bon CD de punk collant aux docs. Le pop-punk ayant depuis belle lurette pris le monopole, on a moins l’impression d’un pilotage automatique qu’avec bien des genres anciens devenus mécaniques (dont le metal est, hélas, particulièrement sujet). Ici, on retrouve de vieux amis, alors que les initiateurs sont pour la plupart largement plus discrets… pour ne pas dire morts parfois.
Mais trêve de bavardage sur le palmarès du groupe, bien que ce florilège d’éloges soit presque plus le but de cette review que l’album lui-même. Le but avoué est bien de vous donner envie de vous pencher sur cette carrière déjantée, et ce "Roi des Idiots" est une porte d’entrée tardive mais parfaite. Comment ne pas se prendre une claque dès les premières secondes de "Darkness", débutant presque comme un album de thrash ? C’est explosif et violent, avec un chant éraillé qui ne ferait pas honte à une prod plus franchement metal. On retrouve toutefois rapidement les habitudes du groupe sur "Terror", second titre et déjà largement plus punk avec cette basse dansante qui ouvre le bal, rapidement suivie d’une guitare bondissante donnant envie de retourner la scène. Le groupe alterne entre l’anglais et l’allemand, pour un résultat très organique et qui confirme le cliché que la langue de nos cousins germains fonctionne quand même à merveille lorsqu’il s’agit de gueuler. "Ich bin böse" ? On le croit volontiers ! On ne veut plus seulement sauter sur nos potes, mais promptement foutre le boxon ! On a bien entendu le titre festif, portant nos valeurs avec fierté aussi naïves ou simples puissent-elles être. Ce titre, c’est "Never Give Up", qui n’est pas tant un hymne de courage qu’une confession sincère de notre amour pour la bière, la musique, le bruit. Si le morceau constitue déjà un excellent exemple de modestie sincère, il est directement suivi par "Proud To Be An Idiot"… difficile de faire plus explicite ! Même les deux titres bonus sont de bonne came, entre "Neverland" qui débute avec une touche ska pour revenir sur du sale, ainsi que "Zeit" et son chant bizarre, à la fois insupportable et entêtant… pour une ultime grenade. Ce serait dommage de ne pas mentionner "Psychopath" et "Punk Rock Bunny", au moins pour leurs intros respectives… Avec cette voix graveleuse, presque en mode western, et ces instruments qui groovent… Jusqu’à revenir aux essentiels, à savoir le punk survitaminé. On regrettera presque qu’ils n’aient pas tenté de pousser l’idée jusqu’au bout… Tout en louant le fait d’avoir appliqué l’idée.
Alors ouais, je suis une nouvelle fois bien hypocrite en descendant les uns pour leur manque d’audace ou de nouveauté tout en plébiscitant allègrement un groupe bien à l’aise dans ses codes. Mais ces codes… Ils les ont malgré tout un peu créés ! Et rien que pour ça, rien que pour la force de frappe et la bonne humeur jouissive et excitante de ces douze titres, ça vaut amplement le coup d’y tendre une oreille. Surtout pour celles et ceux qui écument encore les dizaines d’albums nébuleux de groupes rapidement tombés dans l’oubli. Un peu de sang neuf dans le genre, c’est si rare… Alors buvez à ne plus en avoir soif.