Genre : Dark Wave
Pays : France
Label : Frozen Records
Date de sortie : 14.03.2025
En matière de musiques sombres, la France a toujours été aussi injustement nébuleuse que pionnière et qualitative. Die Form était déjà là il y a bien longtemps, et aujourd’hui encore fait figure de modèle en associant la noirceur à l’electronique délicieusement retro avec Perturbator et Carpenter Brut, pour ne citer qu’eux. Nul doute que Sierra, Horskh et Minuit Machine/Hante en sont au moins partiellement héritiers, et seront (et sont probablement déjà) des modèles à leur tour. Sure, en fera assurément de même, bien que se situant presque à la croisée des chemins, puisant tant dans le neuf que dans le classique éternel, en restant local tout en n’occultant pas ce qu’il se fait ailleurs, pour un album très dense malgré sa durée convenue. Le tout ressemble surtout à ce que GosT ou Perturbator (encore lui) font plus récemment, et aussi un peu de VNV Nation, Health et NIN pour la bonne mesure, mais ce serait injuste pour Sure de simplement faire le jeu des comparaisons.
Bien des titres sont grave dansants et lumineux, faisant abondance de l’electro pour faire tortiller du cul les plus exigeants des rivetheads. C’est le cas du trio de départ, à savoir "Choose Innocence", "Paper Planes" et "Deeper". Ils ne sont pas interchangeables pour autant : "Paper Planes" brille par son refrain et sa mélodie, alors que "Deeper" est plus glauque, plus lourd aussi. "Choose Innocence" pose sa voix, presque une caresse en comparaison à la sulfateuse glaciale que représente le rythme. On poursuit avec "Keep On Living", plus désespéré, plus hypnotique, jouant davantage avec les tempos pour proposer accalmies et regains de puissance. Le tout donnant un titre très sensible et doux, qui ne devient pas mou pour autant.
"Après La Nuit" semble presque sortir d’un tout autre album, voire provenir d’un tout autre groupe ! Le titre est minimaliste, véritablement épuré et se débarrasse de ses apparats du début. Le chant est également en français, et semble devenir plus grave, plus féroce, presque enragé sur la fin du titre. "Swaying" revient au chant plus calme et lointain, avec un rythme répétitif, froid et mécanique, qui nous replonge en trance. Cela écarte encore plus l’interlude "Après La Nuit", semblant réellement sortir du lot. Ce n’est pas en soit un défaut (le titre est très bon), mais ça le fait ressortir du reste de la galette, sans que l’on ne comprenne tout à fait pourquoi il est là. Même "Secret", agissant davantage comme un réel interlude (voire une intro à "Sleep Demon") s’insère mieux dans le reste de la galette, avec sa rythmique pêchue et son électronique verglacée, débarassée ici totalement de la voix. "Sleep Demon" par ailleurs est un autre exemple de titre qui tabasse sévère, et dont l’instrumental s’illustre avec brio, à la fois assourdissante et étonnamment apaisante, avec son atmosphère lugubre mais au rythme enjoué. "Destruction Of Form", le dernier titre, est possiblement la fin parfaite. Encore une fois un peu plus minimaliste et lent, misant totalement sur son ambiance, on est en plein dedans cette ambivalence entre un titre qui nous tétanise, et nous plonge dans sa grandeur tout à la fois. Un final en apothéose, qui ne s’embrase pas autant qu’il ne nous glace.
Le premier album de Sure, "20 years", était clairement plus dansant encore, et semblait garder encore pas mal de traces de la pop de ses années-là, et de quelques projets modernes encore plus attachés à l’idée d’enflammer un dance-floor. Ici, ce "Destruction Of Form" est assurément plus brutal, plus froid, plus sombre et plus lent. Mais on sent encore quelques traces de leur premier opus, qui ne jurent pas pour autant avec leur nouvelle direction. A voir si un éventuel troisième opus continuera d’associer les deux, reviendra aux sources ou basculera au contraire pleinement vers les abysses. Pour l’heure, Sure a sans doute encore un peu de place pour s’affiner, mais propose déjà de la bête de musique electro-noire.