Genre : Dark Rock/Indus
Pays : Allemagne
Label : AFM Records
Date de sortie : 30/06/23
C’est avec une certaine surprise que je lance le nouvel opus de Schattenmann, et avec une surprise encore plus grande que je me rends compte que cela fait déjà une belle année et demie depuis leur précédent "Chaos", chroniqué par votre serviteur… Tout comme le second, "Epidemie". Un beau rythme de croisière donc pour un groupe encore jeune, qui chante en allemand comme le veut la tradition, tout en s’écartant timidement de la NDH, aussi exclusive que répétitive en dehors des pionniers que l’on ne présente plus (et qui, eux-mêmes, ont fait grandement évoluer leurs sonorités depuis leurs débuts très electro, presque EBM, typiques dans les 90s). On aura forcément des petits malins pour voir Schattenmann comme un énième sous-Rammstein (alors que les connaisseurs parleront d’un sous-Oomph !), mais on va garder à l’esprit qu’un chouette album un peu classique reste une pioche préférable à un hommage raté.
Non, retenons plutôt comme première déception le fait que malgré sa très jolie pochette et son titre, ce "Dia de Muertos" ne surfe pas sur des inspirations latines qui auraient pourtant pu donner un cachet unique et intéressant à l’ensemble. D’autant plus que les quelques tentatives du genre sont plus régulièrement parodiques et bas-du-front (entre "Te Quiero Puta" ou "Norwegian Reggaeton", on est plus sur de la grosse blague que de la démarche artistique véritable) ... Il aurait été intéressant et audacieux d’incorporer quelques éléments latinos dans le mix, surtout avec des scènes aussi nombreuses que riches, à la fois traditionnelles et novatrices. Plus encore, on pourra déplorer chez Schattenmann un certain manque d’idées tout court : l’aspect indus en est réduit à ses bases les plus primaires, et son "dark rock" n’a de sombre que son nom. C’était pardonnable pour les premiers albums, mais ça commence forcément à se voir… Et à déranger. Chaque titre est plutôt insipide, et finalement assez "radio-friendly" (pour du rock dur chanté en allemand en tout cas !) Pas un vrai défaut en soit, l’accessibilité n’excluant pas forcément un vrai plaisir d’écoute. Mais on en vient à se poser de réelles questions sur le public du groupe, tant leur musique parait aseptisée, fade et répétitive. Ce n’est pas seulement un manque d’éclat : c’est surtout un ensemble trop homogène et plutôt oubliable qui fait de l’opus un produit manquant désespérément d’âme et de morceaux marquants. Avoir un ventre mou est plutôt commun pour tout un paquet d’albums, dans tous les styles possibles. Ici, on peine à trouver les titres sortant du lot…
Nous ne sommes toutefois pas dans le simple album manquant d’audace ou trop sage. On a en plus quelques idées maladroitement exploitées. Que ce soit la voix féminine sur "Dickpic" (ah c’est fin !), l’espèce de fanfare sur "Dämonen" et quelques éléments électroniques faisant finalement un peu gadget plutôt que faisant part intégrante des morceaux. Accomplissent-ils un cahier des charges, ou bien ne savent-ils pas vraiment comment incorporer tous ces éléments de manière à sublimer les titres plutôt que les alourdir ? Difficile à dire, mais le tout contribue à donner un résultat… Bizarre. Jamais vraiment brillant, jamais vraiment réussit, mais toujours un peu étonnant quand même.
Et lorsqu’ils se montrent plus mesurés, c’est généralement pour partir dans le cliché le plus soporifique. "In deinem Schatten" est une power ballad d’un ennui mortel, sauvée par son refrain tonitruant qui vient nous foutre une petite dose d’adrénaline.
Alors oui, on gardera tout de même un sacré coffre et des riffs musclés pour avoir sa dose de brutalité si souvent attribuée (à outrance même) au metal et ses très nombreux dérivés. Mais face à une concurrence pléthorique… Cela ne suffit tout simplement pas d’avoir de la force à revendre. On peut faire preuve de clémence pour un groupe qui débute, un groupe qui se cherche, un groupe qui veut s’extirper de ses influences ou au contraire, leur rendre un vibrant hommage tant ces inspirations ont façonné leur art, peut-être même leur être. Mais ici, avec un quatrième album vraisemblablement calqué sur les précédents, qui semble ne pas savoir quoi faire de ses parti-pris, on ne peut tout simplement plus fermer les yeux face à ce qui s’apparente comme du pilotage automatique… Ou un cruel manque d’efforts. Et c’est d’autant plus frustrant que les albums précédents avaient de beaux restes : Epidemie nous gratifiait de "Schattenland", "Wahrheit oder Pflicht" ou "Schwarz = Religion", "Chaos" nous offrait son titre éponyme, avec son refrain pratiquement pop-punk sous stéroïdes. "Alles auf Anfang" faisait les yeux doux au heavy avec son bridge technique et épique, tandis que "Extrem" se contentait d’un refrain très efficace, mais plutôt appréciable… Le tout pour un album où l’electro avait un sens, présente en abondance. "Dia de Muertos" ne propose même pas ça. Le peu d’idée ne marche pas trop, et le peu qui fonctionne est oubliable au possible.