Genre : Trip Hop / Metal Pays : France Label : Source Atone Records Date de sortie : 05.05.2023
Internet aura rendu populaire la tendance "Artiste X metal", souvent pour offrir des covers de titres très éloignés de notre genre phare, pop en tête. On n’est aujourd’hui pas loin du même, prétextant que tout devient plus cool avec du metal. Rien n’est sacré : de la musique de jeu vidéo aux génériques de dessin animés, en passant par quelques chansons ne cachant nullement leur caractère délirant. "Caramell Dansen", "Cotton Eyed Joe" ou "Let’s Fighting Love" de South Park en ont fait les frais, pour un résultat souvent plus amusant que réellement impressionnant.
Loin de nous l’idée de reléguer Novembre vers cette catégorie de joyeux farceurs au talent inégal. Mais force est de constater que mélanger trip hop et metal n’est pas très courant. On les aurait même vus plutôt antonymes, si ce n’est pour leur poésie douce-amère. Mais si un Portishead ou un Massive Attack peuvent se targuer d’un côté réconfortant, la musique de Novembre est plus glaçante, plus inquiétante. Au jeu des parallèles douteux, on les rapprochait plus des titres noirs d’un Stupeflip ou du style des Tétines Noires (décidément, encore eux !). Le genre "Spoken Word" dont ils s’affublent n’est pas volé, tant on a l’impression que "l’Amiral" nous menace de terribles maux et évoque des récits tout aussi sinistres. Leurs textes aiment assonances et allitérations, le jargon abscons et précis, les images aussi surprenantes d’inventivité que glaçantes d’horreur. Cela permet d’aller bien plus loin qu’un simple délire edgy (bien qu’il le soit, indéniablement). La voix de l’Amiral nous dépeint à nous, pauvres mortels, un tableau fait de couleurs putrides. Si tout n’est pas noir et gris en Novembre, on lui appliquerait plutôt un vert muqueux ou un brun crade, un sang purulent ou quelques déjections innommables pour parfaire le tableau. Non pas qu’ils soient les premiers à se complaire dans la fange, le metal s’appropriant souvent les sujets les plus graphiques, gores et tabous depuis de nombreuses années. Mais en français dans le texte, et avec ce côté conteur, cela désarçonne tout de même face à la cavalcade de puissance que l’on retrouve souvent dans le genre (goregrind, thrash et consorts). Il y a ici un côté étrangement posé, comme sur "Kosminski" où l’on suit une scène somme toute banale, épaulée par une atmosphère lourde et éraillée. Puis-je seulement marteler assez que les paroles ont ici une place prépondérante ? La musique seule ressemble tantôt plutôt à une instru de rap, tantôt à des beats lourds mais toujours porteurs des conciliabules morbides de l’Amiral.
Un tel déluge de crasses ne plaira pas à tous, c’est certain. Mais les éternel(le)s curieux/ses de sons exotiques ou de textes dénués de barrières seront comblé(e)s. Une déferlante de récits à l’allure de sordides faits divers, comme le manifeste de quelconque tueur en série cruel. Un véritable "Dark-en-ciel", pour reprendre un terme de ce qui constitue subjectivement le meilleur titre de cet Inox : "50 Nuances de Rouge". Nettement plus fin qu’il n’y parait, malgré un côté espiègle par ces jeux de mots grotesques, on les croit effectivement "maîtres de leur démence". Pourvu qu’ils n’en perdent pas le contrôle… Le prochain album risquerait d’être plus fou encore !