Genre : Deutschrock
Pays : Allemagne
Label : Metalville / The Rock Online
Date de sortie : 02/06/23
La scène punk allemande est aussi vivace que méconnue. Aucun groupe, de mémoire de crêteux, n’a eu l’effet "Rammstein" en s’exportant malgré des paroles scandées dans la langue de Goethe. Et même à la grande époque du genre, c’était plutôt vers les Etats-Unis et le Royaume-Uni que les yeux étaient tournés, les deux pays (et les fans) s’en disputant encore la paternité. Mais pour revenir brièvement à Rammstein (ce n’est pas comme si tout le monde le faisait dès qu’on aborde la musique allemande…), les fans absolus n’ignorent pas que leurs débuts fleurissent dans le punk germanique, et que la scène, si séculaire fut-elle, eue un gros impact sur la jeunesse de cette époque.
Une longue tirade pour vous dire que le punk allemand vaut clairement la peine d’y jeter une oreille, et que Kärbholz, malgré sa relative jeunesse (vingt ans cette année !), continue de faire battre le cœur maculé de bière des vieux et nouveaux punks à la sauce allemande. Les fans seront ravis : deux albums complets en une grosse poignée de mois, cela n’arrive pas tous les jours ! Et le groupe s’en amuse lui-même : sortir son dixième chapitre APRES le onzième, ça pose question ! L’explication est somme toute simple : des sessions très créatives pendant la pause covid, et la sensation que même en gardant le meilleur, il y avait encore suffisamment de matière pour proposer un nouvel opus de très bonne facture.
Mes facultés en langue étant particulièrement pauvres, impossible de jauger les textes du quatuor, bien que la couleur de leur musique ne laisse pas de doute sur le respect des quotas : il y a du fun, de l’énergie, un peu de tendresse sur "Leben in monochrom" et même une touche ska sur "Der Himmel Soll Brennen", qui ne peut s’empêcher de venir se montrer même lorsqu’on ne l’a pas invité ! Le groupe ne semble pas ouvertement politique et revendicatif, bien cela fait partie intégrante de l’ADN du genre. À la place, il apporte une vision amusée mais réaliste de la communauté sur "Die Letzen Punks in der Stadt" ("les derniers punks de la ville", si vous êtes aussi mauvais que moi !) Le reste est surtout une ode à la positivité, au besoin de tenir bon ("Halte Fest"… ils ne cachent jamais leur jeu !), et de faire la fête même quand tout va mal. Le titre "Chaos" aurait pu servir de leitmotiv à tout l’album, tant il s’efforce de nous donner l’envie de sauter partout avec des bottes bien trop lourdes. Le pop-punk a cette tendance qui m’agace d’arrondir les angles, d’aborder des problèmes plus triviaux parfois, et de se montrer plus doux, plus radiophonique. Certains y verront un pléonasme, vu le sobriquet du genre, d’autres rétorqueront qu’il y a tout de même de beaux restes (feu Sum 41 et surtout Bowling For Soup restant de gros plaisirs coupables et nostalgiques pour votre serviteur). Mais il n’y a rien à faire : le punk doit être abrasif, doit péter d’énergie, doit donner l’envie d’affronter la vie avec confiance et un peu d’insolence. Ce que réussit Karbhölz avec brio, même en occultant les sujets trop politiques (et en lorgnant, finalement, beaucoup sur les thématiques chères au pop-punk… l’amour, la fête, les moments durs, et la vie, tout simplement).
Terminons par un petit florilège des gros titres de l’album : "Die Letzen Punks…" est le plus ouvertement survolté et explosif. "Leben In Monochrom" arrive juste après pour adoucir le mélange, et offrir une pause bien amenée en milieu de parcours, alors qu’on s’est pris torgnole sur torgnole. Un peu clichée peut-être, mais une chanson qui trouve très justement sa place. "Vagabund" semble tout droit sorti d’un jeu de bagnoles du début des années 2000s. Il n’aurait nullement fait tache sur la bande-son d’un Burnout, ou éventuellement une sitcom pour ados voulant montrer à quel point elle était cool. Et puisqu’aucun album punk n’est complet sans faire l’éloge de la boisson, ce "Wilde Augen" se termine par "Unsere Bar"… "Notre Bar". Difficile de faire plus punk (ou allemand) que ça ! Un titre respirant la bonne humeur et les semelles collantes. Il n’est pas le plus mastoc, mais assurément l’un des plus lumineux. Il coule tout seul pour clôturer l’aventure et repartir se chercher une binouze. Je vous laisse faire ça et prenez m’en une bien fraîche : moi j’ai huit albums à aller découvrir !