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Interview avec Priest à propos de leur nouvel album "Dark Pulse"

Dernière mise à jour : 24 juin


 © Marisol Correa

Les ambitions de Priest semblent inarrêtables. Avec trois albums en quatre ans, le trio est aussi prolifique que créatif, et jongle avec les genres pourvu qu’ils soient bardés de synthé. Ils ont jeté leur dévolu sur l’EBM avec leurs deux derniers albums, pensés comme une trilogie qui devrait se poursuivre avec un ultime album plus expérimental. Devenus totalement indépendants suite à une campagne Indiegogo couronnée de succès, le trio est devenu maître de sa destinée, et devrait être très occupé pour les mois à venir. Le chanteur et leader du groupe, Mercury, a néanmoins trouvé le temps de répondre à quelques questions.

Cult Of Metal : Bravo pour le nouvel album les gars ! Ce qui m’a vraiment marqué, c’est la resemblance entre “Dark Pulse” et “Body Machine”. Rien de bien grave, c’est cool l’EBM  ! Mais on dirait que “New Flesh”, puis “Cyberhead” et enfin “Body Machine” proposait chaque fois quelque chose de nouveau. Est-ce que vous auriez enfin trouvé votre style? Mercury : Merci beaucoup ! Ouais, “Dark Pulse” devait être le deuxième album d’une trilogie, la trilogie “Body Machine”. Lorsque nous avons commencé l’enregistrement de l’album, il s’appelait même “Body Machine 2”, et il comporte des chansons enregistrées à la même période que "Body Machine", mais non abouties. Ces deux albums sont clairement connectés ! Nous avons également gardé les mêmes tenues de scène pour les deux albums [NDLR : les membres de Priest change d’apparence à chaque nouvel album]. Le prochain album sera plus élaboré, et comportera peut-être davantage de vraies percussions, avec un côté plus expérimental. Il sera très différent en tout cas, et nous allons réfléchir au nouveau concept visuel de Priest dès cet été !

Les liens entre les deux albums ne s’arrêtent pas à leur simple genre : certains titres semblent communiquer entre eux. "Just A Game" me rappelle "Let Your Body Go" par exemple. L’atmosphère groovy, chaude et presque tendre de “Demon’s Call” me rappelle "Nightcrawler", bien qu’elle soit moins péchue. "Your Devil" me rappelle "Keep On Burning" et "Enter Your Body” m’évoque “Ghost Writer” ! On dirait presque que les deux albums sont inversés en fait… Dark Pulse garde ses morceaux mécaniques et froids pour la fin, alors que Body Machine les plaçait au début ! [rires] Ouais ! J’ai déjà plus ou moins répondu à ça dès la première question. Mais on avait l’ambition de faire un double-album, voire un triple-album, mais c’était un projet trop copieux, alors on a décidé de séparer les différentes sorties. On peut clairement dire que "Dark Pulse" est la suite de "Body Machine"… On pourrait peut-être ressortir les deux albums ensemble pour une éventuelle réédition ? Nous verrons bien !

"Golden Gate" n’est pas aussi connectée au trio "Ghost Writer", "Hell Awaits" et "Phantom Pain", mais ça reste le titre le plus mécanique de l’album, à part peut-être "Just A Game"… et même celle-ci ressemble plus à un tube de rave party distordu que l’assaut pour les sens qu’est  "Golden Gate" ! C’est un titre qui semble partir dans tous les sens… Comment s’est passée sa genèse ? Merci ! "Golden Gate" est la première chanson de Dark Pulse pour laquelle j’ai posé ma voix. Elle avait un rythme "four on the floor” au début [NDLR : Il s’agit d’un rythme dansant très commun dans la musique disco]. Puis Simon Söderberg, notre producteur, a proposé des percussions avec un côté plus breakbeat. J’ai trouvé ça bien, alors j’ai programmé un peu au-dessus de cette base. On voulait que ça sonne un peu Acid House aussi, alors on a rajouté la fameuse TB-303 ! Les paroles sont un peu graphiques, si vous avez l’esprit mal-tourné, mais elles peuvent aussi avoir un sens plus général. C’est un titre qui ressort beaucoup, et nous l’aimons tout autant !

Tout comme "Thieves" était ma chanson préférée sur "Cyberhead", "Black Venom" est LE titre qui ressort du lot pour moi ! J’ai l’impression que ces titres démontrent vraiment ce qui fait votre patte, et ce qui m’a fait adorer votre groupe dès le début : un côté doux et fragile, mais aussi dansant. Froid et mélancolique, mais aussi séduisant. Abrasif et hypnotique à la fois… Comment se passe l’écriture pour vous ? Comment trouver ce dosage entre émotion et énergie ? Cela fait plaisir à entendre ! "Black Venom" était dans les cartons depuis longtemps, et c’était cool d’enfin pouvoir la sortir. Pour ce morceau, l’écriture se résume à moi dans le studio… J’ai confectionné une demo et je l’ai jouée au producteur, qui m’a dit qu’il allait essayer de la rendre un peu meilleure tout en conservant l’idée d’origine. C’est comme ça que je fonctionne la plupart du temps : je prépare des demos et je les ramène au studio. Parfois c’est suffisant, et il suffit d’affiner les détails, comme pour "Black Venom". Mais parfois, l’avis du producteur et des deux autres membres est plus important. Dans ce cas, nous sommes bien sûr tous listés comme co-paroliers. Un remix de Black Venom par Rhys Fulber [NDLR, membre de Front Line Assembly] devrait sortir cet été ! 

Je pense que c’est le bon moment pour préciser que je suis belge, et mon pays est souvent considéré comme le berceau de l’EBM, par le biais de Front 242 surtout ! Vos deux derniers albums empruntent au genre comme jamais auparavant, et c’est sans évoquer votre fameuse reprise de "Personal Jesus", d’un groupe que l’on ne présente plus… Je suppose que vous devez avoir beaucoup d’inspirations ? Ouais, Front 242 est un groupe important pour nous. Je les ai vu l’année dernière en Suède, et ils étaient géniaux ! J’aime beaucoup A Split Second et The Klinik. Mais ouais, nous avons nommé notre dernier album "Body Machine" pour cette raison précise, et nous avons des chansons intitulées "Let Your Body Go", "Enter Your Body" et "Perfect Body Machine" par exemple, donc nous aimons bien flirter avec ces légendes… Je sais que Nitzer Ebb a tourné avec le groupe "que l’on ne présente plus" et les deux étaient signés sur Mute Records. Pour nous, c’est toute cette ère qui nous inspire, et nous aimerions explorer encore plus de genres différents à l’avenir.

"Dungeon Dance" est un réel OVNI, même dans votre discographie éclectique ! Le chant est presque parlé, le rythme est minimaliste et enivrant. Et le refrain est impossible à se sortir de la tête ! Quelle est l’histoire de cette chanson étonnante ? Nous savions que cela allait être un titre très à part pour beaucoup, et je pense aussi que c’est le cas. Mais on s’est beaucoup amusés dans le studio, et oui, elle reste bien en tête ! On y est souvent retourné nous-mêmes… Je trouve qu’elle aurait sa place dans un strip club ! On va aussi présenter une danse officielle pour accompagner le morceau, plus tard dans l’année.


Nous avons assez comparer vos deux derniers albums je pense ! Néanmoins, "Chaos Reigns" semble tout droit sorti de… "Cyberhead" (2020). Désolé d’encore faire de tels liens ! Mais ce côté très pur, mélancolique et délicat du morceau me rappelle beaucoup ce mélange d’épique, de dramatique et de sentimental que l’on retrouvait sur votre deuxième opus. C’est en tout cas une ambiance très différente des cinq titres puissants qui précèdent "Chaos Reigns" ! Est-ce que c’est devenu une tradition de clôturer vos album par un titre plus doux ? Pas besoin de s’excuser ! Je suis très fier de "Cyberhead", et je pense que beaucoup vont redécouvrir l’album avec le temps. Il n’a pas eu droit à beaucoup de promotion, et nous avions eu des soucis à la fois dans et en dehors du groupe pendant sa sortie. Il est passé complètement inaperçu. Mais il a commencé a bien se vendre dernièrement… Nous avons ENFIN eu l’occasion de renflouer les stocks ! "Chaos Reigns" existe depuis bien dix ans, et a commencé comme une demo pour le troisième album de Ghost, "Meliora". Il est resté dans mes tiroirs depuis lors. Mais j’ai enfin eu l’occasion de le dépoussiérer grâce à mes amis suédois du groupe Abu Nein. Nous devions en faire une collaboration, mais j’étais tellement ravi du résultat que j’ai préféré la garder pour un album de Priest. Mais je crois et j’espère que nous allons tout de même faire une collaboration avec Abu Nein dans un futur proche. Mais c’est une belle façon de finir l’album selon moi. En tout cas une meilleure fin que le dernier titre de Meliora à mes yeux !

C’est une question un peu stupide, mais j’ai remarqué que trois de vos albums sur quatre comportent dix titres (Cyberhead étant l’exception). Est-ce que c’est le nombre parfait pour vous ? Est-ce une simple coïncidence ou un nombre que vous essayez vraiment de maintenir ? Je pense que dix chansons est un bon objectif pour un album de Priest. Nos chansons font 3 ou 4 minutes en moyenne, donc nos albums tournent autour des 30 ou 40 minutes. Je pense aussi qu’un vinyl sonne le plus juste lorsqu’un côté fait autour des 20 minutes !

Vos pochettes sont toujours chouettes aussi… Et très différentes dans leur style ! J’ai immédiatement reconnu Cybernosferatu pour la pochette de Dark Pulse, mais aussi les singles "Just A Game" et "Burning Love"… Est-ce qu’il a pu vous proposer ce qu’il voulait, ou bien aviez-vous une idée précise de ce que vous attendiez de cette collaboration ?Cybernosferatu, alias Johan Åberg est très talentueux, donc on lui a donné quartier-libre. Mais parfois, je lui donne quand même une idée de base ! 

Je ne peux pas vous dire à quel point j’étais heureux de voir votre nom dans la liste des artistes sélectionnés pour l’album "A Tribute To Rammstein"… et vous avez repris ma chanson préférée du sextet allemand : Engel ! Comment est né ce projet ? Est-ce que le label vous a contacté, ou bien étiez-vous intéressés dès le début ? Aviez-vous le choix de la chanson à réinterpréter ?  Merci ! Cleopatra Records est venu vers nous et j’ai dit que nous pourrions faire partie de l’hommage à Rammstein si nous pouvions nous occuper d’Engel. Je ne crois pas qu’ils aient beaucoup d’autres titres qui correspondraient vraiment à notre musique. Nous pouvions seulement choisir un titre présent dans leur top 10 sur Spotify… Mais nous sommes heureux du résultat !

C’est intéressant de mentionner que "Dark Pulse" a été financé grâce à Indiegogo. Vous aviez déjà réalisé des campagnes de financement participatif pour les clips de "Cyberhead", mais c’est la première fois que vous optez pour cette solution pour un album entier… Ce qui peut paraitre étrange pour des fans, souvent hors du circuit musical et de ses difficultés. D’autant plus après trois albums ! Vous avez l’air de privilégier votre indépendance, tout en ayant de grandes ambitions… Qu’est-ce qui a changé fondamentalement par rapport à Body Machine ? "Body Machine" est sorti à la fois via Cleopatra Records (pour l’Amérique du Nord, le Royaume-Uni et le Japon), et via notre propre label Blue Nine Records pour le reste du monde. On a reçu un peu de financement de leur part, et on l’a combiné à des précommandes réalisées directement au travers de notre propre boutique en ligne, afin de pouvoir tout financer sans problème. Nous étions aussi sur le point d’être signés sur un gros label en 2020, mais on a fini par être blacklistés à cause de notre lien passé avec Ghost. Le label craignait de perdre Ghost s’il choisissait de nous signer… Et nous voulions éviter que les équipes marketing bloquent la diffusion de nos morceaux à la radio à cause de ce lien ! À la suite de ça, nous avons décidé de nous lancer en tant qu’indépendants. Avec le temps, on apprend, et une règle majeure c’est qu’il n’est plus nécessaire de passer par un label aujourd’hui. On peut tout faire soi-même. Cela demande de bien s’informer, mais ça en vaut la peine. Les fonds récoltés via Indiegogo représentent plus que ce qu’un label de taille moyenne peut offrir aujourd’hui, en tout cas en amont. Et ce financement en amont est un investissement que le label doit récupérer avant même que le groupe puisse récolter quoique ce soit. Donc pour "Dark Pulse", nous avons financer l’enregistrement en entier, mais aussi les coûts de production et de marketing. Tout a été financé via les précommandes ! C’est beaucoup de travail, parce que nous devons envoyer toutes les contreparties nous-mêmes. Mais nous bossons deux fois plus dur, parce que nous savons que le fruit de notre labeur ne va pas être gaspillé. Et comme nous sommes nos propres patrons, nous avons le loisir de tout faire comme on le souhaite.

Je suppose que vos trois clips représentent le gros de vos dépenses ! Comme d’habitude, vos clips sont aussi étranges qu’ils sont envoûtants… et ils sont toujours très créatifs et variés aussi. Qu’il s’agisse de la chorégraphie pixelisée de "Burning Love", le patchwork glitché de "Black Venom" ou encore le cyber-érotisme de "Demon’s Call", qui me rappelle le clip de "Obey"… et pas sans raisons évidemment, merci Claudio Marino ! Bien sûr, les trois vidéos ont nécessité environ 10000$ de financement, mais ça en valait la peine ! Le moindre centime de la campagne Indiegogo a été dépensé exactement comme on le voulait. Nous avons choisi de se la jouer un peu rétro pour le premier clip, et nous connaissions un mec super qui s’appelle Torbjörn Fernström. Claudio est un vrai maître dans son domaine, et c’est toujours un plaisir de bosser avec lui !

Cela démontre aussi qu’il est toujours possible de produire des clips intéressants aujourd’hui, ou en tout cas des clips qui ne se limitent pas à montrer le groupe en concert ou en studio… Tout comme pour les pochettes, je me demande si vous avez eu beaucoup d’emprise sur ces clips, ou si vous avez laisser les réalisateurs s’en donner à cœur joie ? Comment concevez-vous vos clips ? C’est toujours différent, pour "Burning Love", j’ai demandé à Torbjörn de faire une vidéo dans le style des graphismes de la première PlayStation. J’ai effectué un peu de motion-capture pour que mes mouvements puissent être traduits en vidéo. Pour "Black Venom", c’est moi qui ait réalisé la vidéo servant de base au clip, avant de demander à Torbjörn de "violer" la vidéo avec ses effets spéciaux. Je pense que c’est l’un de nos meilleurs clips. Pour "Demon’s Call", Claudio avait déjà une idée en tête, avec le casque et le couple de la vidéo, et nous étions partants. Il a tout fait : de la prise d’images à l’édition vidéo… C’est clairement le plus beau clip de Priest jusqu’à présent. Mais j’aimerai m’essayer à réaliser plus de clips moi-même à l’avenir ! 



Je suis fou de merchandising original et un peu fou ! Je sais que c’est de l’histoire ancienne, mais je me souviens de votre parfum "Salvation"… Est-ce qu’il s’était bien vendu ? Comment l’idée vous est venue ? J’ai aussi lu un post officiel de Priest sur le groupe Facebook "The Pit", votre fan club plus ou moins officiel ! Vous disiez que votre pre-release party avait une bière Priest en édition très limitée… Je me demande si ce n’était qu’un one-shot, ou bien si je vais pouvoir la faire rejoindre mon imposant cimetière de bouteilles de bières ! Ah, tu te souviens de ça ? C’était un parfum confectionné par une parfumerie viennoise, en édition très limitée. C’était un parfum unisexe, avec des notes de cuir et de patchouli. Ce serait cool de refaire un truc pareil ! Concernant la bière, nous allons rediscuter avec Centralbryggeriet, la brasserie responsable de notre premier brassin, et nous verrons s’ils veulent réitérer l’expérience.

Enfin, vous avez sortis trois albums en quatre ans à peine… C’est plutôt prolifique, et ça affiche bien votre esprit créatif et inspiré ! Néanmoins, je me demande ce qui attend Priest dans les semaines, mois et années qui viennent… Une tournée ? D’autres chansons déjà en gestation ? Une petite pause, ou bien tout autre chose ? Ouais, nous avons plein d’idées et si peu de temps ! Cet été, lorsque nous ne serons pas en train de tourner, nous allons débuter l’enregistrement de notre cinquième album, qui devrait être à la fois très expérimental et épique. Mais avant, nous devons finir d’envoyer tous les colis liés à la campagne Indiegogo, et ça représente BEAUCOUP de travail… Nous allons également jouer au Subkult Festival en Suède, ainsi que lors d’une mini-tournée en Finlande en juillet. Nous avons pour projet de réaliser un EP avec des amis de Los Angeles aussi. En automne, nous prévoyons une autre tournée en Europe et au Royaume-Uni. Et au printemps prochain, c’est une tournée encore plus énorme qui nous attend aux Etats-Unis… On ne va pas chômer ! 

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