Genre : Sludge/Doom/Post-Metal
Pays : Costa Rica
Label : Sleeping Church Records
Date de sortie : 19.05.2023
L’Amérique Latine possède son lot de stéréotypes, vérifiables ou non, positifs ou négatifs. Mais en matière de musique, si on n’ignore nullement la richesse incroyable de la vaste communauté hispanophone en la matière, il faut dire qu’on a tendance à s’emmêler les pinceaux ou à ne voir que la face la plus émergée de l’iceberg. Le reggaeton a pris le monde d’assaut, et si comme votre serviteur vous n’en pouvez plus d’entendre sans cesse le même beat sorti de la même boîte à rythme, vous serez ravi d’apprendre qu’il n’y a pas que vers la bonne vieille salsa que l’on peut se rabattre. Que du contraire !
Lors de précédentes pérégrinations, j’ai pu me rendre compte que le thrash latino était particulièrement bien développé et très intéressant. Guère étonnant de retrouver un peu de punk dans le coin, et quelques groupes nébuleux pour nos oreilles d’européens valent pourtant bien le détour. On parle de pionniers du genre, au son souvent crasspouille et fauché mais à l’influence réelle, comme Area 12 (en Colombie), Atoxxxico (au Mexique) ou Los Testiculos (ça ne s’invente pas… en Argentine !). Pour le Costa Rica, je dois avouer que je sèche, et Age Of The Wolf semble bien être mon premier contact musical avec le pays. Pari réussi ?
Et comment ! Leur musique est sombre, lugubre, moody et pesante. Dès le premier titre, "The Searing Eye", on se croirait plonger en pleine oraison funèbre. Le pas est lent, la guitare tout autant, nous assénant de riffs lourds et d’un chant caverneux désespéré. Jusqu’à basculer dans sa deuxième moitié vers un break au chant plus éthéré, presque religieux, et une guitare plus mélodieuse, pour un tout restant bien noir ! "Thundering Epochs" gagne en tempo, mais ne perd rien en impact, et demeure une belle grêle de baffes, jouant avec les rythmes pour mieux nous prendre à revers et nous gratifier de riffs fracassants. "Onward To Penumbra" débute par une formule désormais bien rodée, faite de gros riffs lourds et lents pour une rythmique hypnotique, avant de rebasculer sur une ambiance plus atmosphérique. "Doomhex" va encore plus loin dans ce créneau, en allant vers un titre minimaliste, aux allures désolées, pour un pur plongeon dans les abysses. Le reste de l’album ne paraît plus seulement sortir du même moule : il semble se déployer dans une seule et même chanson divisée en quatre parties, comme pour un récit. "A Multiplicity Of Causalities" plante le décor et le contexte, agissant comme une courte intro ténébreuse avant de basculer dans le vif du sujet avec "Nexus Exitium", qui déboule avec fracas et puissance, et un chant perdu au loin, résonnant comme des sirènes, étouffé par les riffs. Le titre se veut varié, malgré sa longueur relativement courte, et se muscle encore davantage dans sa dernière minute ! Avant de finir de manière quelque peu abrupte, pour mieux nous accueillir sur "Conjuration of the Obsidian Colossus", le plat de résistance. Plus besoin de vous faire une description… ce qui vous attend est un périple ardu et cacophonique, où l’auditeur semble perdu dans les méandres du groupe. Long et envoûtant, il cède pourtant doucement sa place au magnum opus, long de presque dix minutes : "The Phantom Electric". Point de réinvention : on récupère doucement son souffle grâce à une guitare plus taiseuse, nous préparant au pire : on commence à avoir l’habitude. Il faut attendre près de deux minutes trente pour avoir l’ultime salve, le baroud d’honneur. Avec une guitare plus mélodieuse, presque mélancolique, pour accompagner des hurlements que l’on n’identifie pas bien s’ils sont de rage ou de désespoir. Une ultime démonstration de force aux deux tiers, et nous pouvons doucement refermer ce chapitre, qui nous aura bien secoués et tourmenté. Fiou, quel périple !
⬇️. Peu connu pour sa scène metal (et peu connue pour sa musique matinée de grosse guitare en général), le Costa Rica m’aura en tout cas fait tourner de l’œil. Et si les plus grands gagnants sont celles et ceux qui écoutent réellement de tout ou qui se fichent pas mal de l’origine des artistes qu’ils ou elles écoutent, les autres auront tout à gagner à explorer un peu plus la scène latino-américaine. Si vous devez retenir un seul truc de cette review, pensez à ça ! Et si vous êtes friand du genre, allez-y les yeux fermés.